20-04-2012: Je ne suis pas lâche, j’ai un souper à préparer!

C’est la rentrée et il y a plein de choses à dire. Et comme je ne suis pas là pour les dire, je vais me lâcher, parce que je suis lâche.

En plus, la lâcheté, c’est un peu mon sujet du jour. La lâcheté, sauf la mienne dans le cas présent, bien entendu, c’est probablement le commencement de tout. De tout ce qui va mal, bien sûr.

Pourquoi laisse-t-on des gens crever à la rue alors qu’on a les bâtiments vides et chauffés pour les abriter ? Pour ne pas entamer des débats politiques non porteurs en termes de voix. Pour ne pas fâcher l’électeur. Lâcheté.

Pourquoi décide-t-on de mettre des portiques à l’entrée des métros et des flics à tous les coins de rue ? Pour contenter l’électeur. Pour ne pas avoir à lui dire que ça ne résoudra rien en termes de violence. Pour ne pas affronter les sources du problème et donc se lancer dans un travail d’éducation, d’intégration, de réformes sociales, de prévention. Lâcheté

Pourquoi laisse-t-on un Laurent Louis mettre ses menaces à exécution et publier des documents qu’il n’est pas censé posséder ? Et publier des listes de noms sans apporter aucune preuve ? Parce qu’on pense que si on serre les fesses et croise les doigts, peut-être bien qu’il ne le fera pas. Et qu’on n’aura pas à réfléchir à cette notion d’immunité parlementaire tellement absurde qu’elle protège de leurs exactions ceux-là même qui décident que ce sont des exactions. Peut-être aussi parce que l’immunité parlementaire est bien commode… Lâcheté.

Pourquoi dit-on qu’on manque de moyens ? Parce qu’on sait où sont les moyens. Parce qu’on n’a pas envie d’affronter ceux qui détiennent vraiment le pouvoir. Parce qu’on craint qu’ils s’en aillent ailleurs. Parce qu’on n’a pas envie, le cas échéant, d’imaginer de nouvelles formes de vivre-ensemble. Lâcheté.

Pourquoi s’autorise-t-on tant de lâcheté ? Parce que les gens qui râlent sont peu nombreux. Parce que les gens ont pour la plupart le frigo bien rempli et la télé allumée. Parce qu’ils pensent que ça ne sert à rien. Alors qu’ils savent très bien que ça sert. Que si leur frigo est rempli et leur télé allumée, c’est parce que dans le passé, les gens qui râlaient étaient bien plus nombreux.

La lâcheté, mesdames et messieurs, c’est probablement la chose la plus détestable à mes yeux. Elle vous bousille tout. Si si, réfléchissez bien. Ca commence dans vos lits. Quand vous n’osez pas dire. C’est dans vos maisons, quand vous grommelez intérieurement. C’est au boulot, quand vous ne râlez qu’à la machine à café. C’est quand vous entendez des horreurs et que vous ne dites rien. C’est quand vous savez que changer, ça a un coût et que vous êtes prêts à subir pour ne pas le payer.

La lâcheté, c’est ce qui nous fait nous mépriser nous-mêmes. Qu’un seul de nos dirigeants vienne me dire en face qu’il est fier de la société qu’il nous crée. Qu’il a bonne conscience quand des enfants dorment à la rue. Qu’il ne se retient pas de rougir de honte quand il nous dit « on n’a pas les moyens ». Qu’il pense sincèrement que des portiques apaisent les esprits. Qu’il n’a pas vu venir les ignominies de Laurent Louis.

Qu’un seul dirigeant vienne me dire ça en face et je promets de rédiger une chronique scandaleuse et de venir la lire en personne.

16-03-12: 28 morts et moi

Aujourd’hui, certains médias ont commenté en direct la minute de silence décrétée en hommage aux victimes de l’accident de car en Suisse.

Voilà un beau résumé de la semaine.

En cette journée de deuil national, j’ai envie de vous parler de toutes ces images volées par les médias, de ces heures de rediffusion en boucle, de ces reportages inutiles, de mon fils à qui on a dit, pendant des heures, des heures et des heures que la vie est mortelle, que ça aurait pu être lui, qu’un car démoli contre un mur, c’est vraiment très impressionnant. De ces rumeurs relayées par des journaux sans aucune vérification à propos du chauffeur. Sans aucune considération pour sa famille. De ces gens dont on nous montre les larmes alors qu’ils ne savent même pas encore si leur enfant est en vie, etc etc

J’ai envie de vous parler de la profession de journaliste, que je vénère et qui se suicide chaque jour. J’ai envie de vous parler de l’exercice politique, que je vénère et qui se bafoue chaque jour.

J’ai aussi envie de vous parler des millions de gens qui meurent chaque jour dans le monde entier, affamés ou sous les bombes. Ces millions de gens dont on parle si peu alors que eux, on pourrait les sauver. Ou PARCE QUE eux, on pourrait les sauver.

Mais je ne le ferai pas. Je l’ai assez fait par ailleurs, en réclamant le silence. Parce que moi aussi, j’ai mes contradictions.

Aujourd’hui, je vais vous annoncer que depuis hier, je suis sans emploi et que j’en suis très heureuse. Bon, ne nous emballons pas, je ne me réjouis pas parce que je vais vivre à vos crochets, ce n’est pas le cas. Pas encore. Ni parce qu’on m’a comme on dit « remerciée ». Ca n’emballe jamais personne, ça.

Mais je me réjouis parce que là, je suis obligée de réfléchir à ma vie, à ce que je veux faire de ma vie. Et je suis obligée de le faire.

Je suis obligée de reconnaître que je n’étais pas à ma place. Que parler au nom de gens qui sont pour beaucoup à des kilomètres de me valeurs, de sujets qui sont à des années lumière de ce dont je vous entretiens ici et qui me passionne, c’était peut-être nourrissant, mais juste pour mon estomac.

Et pour celui de mon fils. A qui j’aimerais apprendre que nul n’échappe au malheur mais que je ne l’ai pas fabriqué pour ça. Que la vie est belle, surtout quand on veille à ce qu’elle le soit pour le plus grand nombre. Que parfois, c’est le regard qu’on porte aux choses qui nous les rend douloureuses. Que parfois, la douleur est très forte parce qu’on n’a pas de prise sur tout. Mais que toujours, nous devons chercher à être heureux. Parce que quand ça se terminera, on ne pourra pas recommencer autrement.

Cette semaine, 28 personnes sont mortes dans un accident de car et j’ai perdu mon boulot. Cette semaine, mes patrons m’ont offert la chance de ne pas passer à côté de ma vie.

4 Réponses to “Radio Campus – Chroniques”

  1. Dens said

    … no comment … juste magnifique !!!

  2. Biliotti said

    Lire des chroniques, des billets d’humeur,… Et en prendre plein dans la figure… J’aime ça.

    Merci pour cet article

    P.s : Je met ici ce p.s car je ne saurais comment retomber sur ce fameux article sur les prisons. Sache, Anne, que dans cet article tu m’as permis de me rendre compte à quel point la situation dans les prisons est consternante et révoltante, de me faire défiler de nombreuses heures de cours de cette année sur la situation des prisons en Belgique… Du coup, tout ce que tu as dis me renforce dans l’idée de personne active et révoltée que tu représente et que j’admire…

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