Racistes, vous? Non!

octobre 28, 2015

Chers habitants de Walcourt et d’ailleurs qui ne voulez pas de réfugiés près de chez vous,

Je sais (on l’a tous vu) que vous ne savez pas vraiment pourquoi vous n’en voulez pas. Que c’est confus dans vos têtes, que vous pensez avec votre ventre et que votre ventre vous dit que votre vie va changer si des étrangers (sans travail!) débarquent dans votre horizon.

Et c’est vrai, elle va changer, au moins un peu : vous allez croiser de nouvelles personnes. Des inconnus qui ne parlent pas bien votre langue. Mais ce n’est pas grave, parce que vous ne serez même pas obligés de leur parler.

On a tous vu les images de votre refus d’hier soir. On a vu votre colère, votre trouille, vos prétextes et même souvent votre gêne face à leur ridicule. Moi, j’ai eu un peu honte pour vous, un peu comme, vous savez, quand on regarde un ami jouer mal dans un mauvais spectacle face à un public gêné et qu’on a envie de s’enterrer sous son siège…

Je suis déjà allée à Walcourt, en séjour chez des habitants de chez vous. On a beaucoup ri du fameux « Walcourt vaut le détour! », auquel on ajoutait « Cerfontaine, ça vaut la peine! » Et c’était vrai. Pour ce que j’en ai vu, vous vivez dans une région aussi sympathique que ses habitants. Avec des gens qui se promènent et d’autres qui s’occupent de leur jardin pas clôturé, qui se saluent ou pas, papotent ou pas. Des villages paisibles qui accueillent les touristes et qui le font bien. Le rêve pour un réfugié qui a connu comme vous le travail, la vie de famille et puis, pas comme vous, la guerre et ses atrocités.

Ces gens ne veulent pas s’intégrer? Vous n’en savez rien. Mais c’est sûr qu’avec un accueil pareil, ils ne pourront pas.  Ils n’ont pas la même culture que vous? C’est sans doute vrai. Mais rassurez-vous, des gens qui ne vivent pas comme vous, il y en a déjà plein votre voisinage. Ils vont piller vos maisons, violer vos joggueuses, voler vos boulots? Ca non plus, vous n’en savez rien. Mais il y a de grandes chances que non. Ce sont des gens. Comme vous. Qui risquent très gros à la moindre incartade, bien plus gros que vous. Il y a sûrement des cons parmi eux, comme il y en a sûrement parmi vous.

Mais je doute très fort que vous le soyez autant que ce que vous nous l’avez laissé penser hier.

Et puis vous aurez beau hurler, vous n’y couperez pas. Ils viendront. Autant que ça se passe bien, comme ça s’est bien passé partout où, comme vous, des autochtones avaient pourtant hurlé leur refus d’accueillir chez eux des étrangers. Faites comme vous le faites depuis toujours, vivez votre vie. Saluez ou pas le passant. Et puis, si vous voulez pousser un peu la curiosité, renseignez-vous sur les besoins du centre et profitez-en pour réunir ce dont vous ne vous servez plus et qu’ils accueilleront avec un grand sourire et des remerciements qui n’en finiront pas. Comme ça se passe partout.

Réfléchissez bien. Nulle part, jamais depuis cet afflux dont on nous parle depuis des semaines, on n’a eu droit au moindre fait divers impliquant un de ces réfugiés. Le seul danger qu’ils ont amené avec eux, c’est celui d’un racisme qui n’existe que parce que des gens surfent sur nos peurs de l’inconnu en brandissant des mots qui foutent la trouille comme « islamisme », « attentats », « insécurité ». Trois choses que ces gens ont fuies.

17 Réponses to “Racistes, vous? Non!”

  1. Lintje said

    Très bel article, très poignant et tellement vrai !

  2. manufacture said

    Dans mon village du gembloutoix, la peur de l’autre est la même…envers des gens du cru qui ont pour projet de faire construire un habitat groupé…que ce monde est désolant, que mes co-citoyens ont la mémoire courte et un esprit d’individualisme écoeurant!

  3. Dolphyn said

    Quel beau texte! Bravo! Je suis marraine de 3 petits princes de Bagdad! Que du bonheur. Ils ont 20 ans et en avant la musique: Avec de grands éclats de rire ils avancent pas à pas dans nos dédales administratifs. Et aujourd’hui premier contact avec l’université car pas question de rester sans apprendre! Il suffit juste pour nous, belges, de les soutenir et de leur apporté notre affection et notre écoute. Un jour, et ils m’en parlent souvent, ils rendront la pareille à d’autres gens qui seront dans la détresse.

    • Ben oui, on peut toujours faire la morale tant qu’on n’habite pas ou ne travaille pas près d’un centre avec des centaines de réfugiés… Notre fille, kiné, devait travailler bien tard à 50 m d’un de ces centres avec 500 « réfugiés ». Celui qui n’a pas de fille ne peut pas comprendre… Sans parler des problèmes vus par moi-même et vécus par d’autres citoyens.: vols quotidiens (avec descente de police, notamment au Colruyt de Bastogne), menaces, insultes, bousculades, racisme anti-belge. Qui ose nier ceci? (Témoignages en ma possession.)

      • annelowenthal said

        Donnez donc votre témoignage au lieu de dire qu’il est en votre possession. J’habite près d’un centre, j’ai de la famille à Bastogne. Et je n’ai rien vu ni entendu. Mais comme je l’écris dans mon billet, il y a des cons partout. Les Belges n’ont pas le monopole. Alors bien sûr que des trucs, il en arrive. Mais ici non plus vous n’avez pas bien lu, parce que je parle de ces dernières semaines et de l' »afflux » actuel.

  4. Gérard Craan said

    Quand le Blok était à 30% à Anvers on disait « chers habitants d’Anvers » ? Anne tu utilises le même principe que le sondage puant avec pour conclusion médiatique « Les Belges ne veulent pas des migrants ». Tout ce qu’on a vu pour l’instant, c’est le bazar à une réunion d’information où il n’y avait pas 800 habitants. A défaut d’autre information le « vous » n’est pas de rigueur

  5. Lefevre said

    Chers habitants de Walcourt? Merci de ne pas mettre toute l’entité dans le même sac que ce petit nombre d’écervelés montrés au grand jour par les medias hier lors d’une réunion d’information. Je n’ai personnellement rien à voir avec cette poignée d’ignorants qui seraient certainement bien contents qu’on les accueille eux et leurs enfants comme cela a été le cas pour leurs grands parents il y plus de 70 ans. J’ai encore le ferme sentiment que la majorité de l’entité ne pense pas comme cela, du moins je l’espère…

  6. moumoune said

    Merci pour ce bel article.

  7. Mastro Asmodeo said

    Texte bien-pensant à souhait. Plus facile à dire quand on vit dans des milieux privilégiés où l’étranger sort le plus souvent d’un aéroport et/ou est universitaire ou doctorant. Qu’on vienne donner des leçons de bienséance aux petites gens et les traitant comme des beaufs ignorants quand on vient comme moi de quartiers défavorisés où on sait ce que ça veut dire de se battre et de défendre quelque-chose. Tous les gens du villages n’ont pas la trouille, ils ont souvent le tort d’avoir le bon sens de défendre une identité et de ne pas accueillir un nombre disproportionné de clandestins. Ce ne sont pas des concepts que les bobos bruxellois qui se marient souvent entre bourgeois blancs et ne se mélangent pas peuvent comprendre facilement.

    • annelowenthal said

      Quelques questions en guise de réponse :

      – Que savez-vous de ma vie et des milieux dans lesquels je vis?
      – Par contre, comment ignorez-vous que la plupart de ces migrants viennent eux-mêmes de milieux relativement qualifiés et aisés, les autres n’ayant pas eu les moyens de faire la route? C’est expliqué partout…
      – En quoi des migrants constituent-ils un danger pour l’identité des gens chez qui ils vivent? C’est contagieux, l’identité? C’est figé dans le temps, aussi?
      – C’est quoi un bobo? C’est moi, la bobo bruxelloise? 🙂

  8. « où, comme vous, des autochtones avaient pourtant hurlé leur refus d’accueillir chez eux des étrangers. »

    C’est la seule phrase qui me fait réfléchir un peu dans ton texte.
    Le reste, comme je suis d’accord de base, j’ai pas besoin d’être convaincu par l’idée d’un mélange des cultures.

    Mais revenons à cette phrase tu veux ? Est-ce réellement normal et respectable de FORCER des gens à faire quelque chose qu’ils ne veulent pas ? Je veux dire.. ils payent leurs taxes (j’espère pour eux), la plupart a acheté sa terre et son foyer.. et d’un coup on vient leur imposer un truc.. ?

    Je l’ai dis au début, je suis tout à fait convaincu de l’importance du brassage culturel et probablement l’urgence d’accueillir ces braves gens qui viennent de loin et ont besoin de soins et de repos.. mais pourquoi diable aller les coller au milieu d’une population hostile ? Je suis certain qu’il y a de meilleures villes et des endroits plus sympas dans l’pays.

    • annelowenthal said

      Personne n’est obligé de faire quoi que ce soit. Et toutes les populations sont en partie hostiles.

      • X. Simon said

        Vous affirmez quand même qu’ils n’auront pas le choix… Si ce n’est pas obligé de faire quelque chose…

        D’autre part votre prise de position montre que toutes les populations ne sont pas hostiles. La démocratie est aussi reconnaître qu’une population n’a pas un avis unitaire mais souvent une diversité d’avis qui nécessitent un consensus…

        Or justement, quelque soit la représentativité des gens de Walcourt qui ne veulent pas voir débarquer des réfugiés chez eux, je trouve arrogant de venir jouer les moralisateurs par rapport à leur prise de position. A l’échelle locale, c’est à eux d’exprimer leurs opinions et de gérer leur patelin.
        Arriver de l’extérieur et affirmer — sans aucun fondement par ailleurs — que « Et puis vous aurez beau hurler, vous n’y couperez pas. Ils viendront. » ne fait probablement que renforcer le sentiment de devoir se battre pour se défendre d’une imposition extérieure qui nie leur avis.

        Finalement ce genre de textes ne provoque que deux réactions. D’une part un renforcement sûrement des positions surtout extrêmes.

        Mais surtout d’autre part, les propos condescendants face à une opposition au prétexte qu’on la trouve non-conforme à la bonne manière de penser (mais c’est quoi la bonne manière de penser? Qui détient la Vérité?) nuit au débat de fond qui est le seul moyen d’arriver à un consensus raisonnable. Et en l’occurrence de faire admettre par la population d’intégrer en son sein des réfugiés.

      • annelowenthal said

        Vous trouvez ça arrogant, je trouve ça indispensable. On peut aussi décider de laisser les gens dans leurs préjugés, c’est vrai. Mais si on regrette qu’ils les aient et qu’ils soient entretenus, alors on doit y répondre, ce que je fais. Et je ne suis très heureusement pas la seule. Certains le font bien mieux que moi, mais plus nombreux on sera à le faire, mieux on se portera.

  9. Gastout said

    e pense que si les médias arrêtaient un peu (beaucoup) de montrer toujours le « côté » négatifs d’autres cultures, il y aurait beaucoup moins d’amalgames. Un exemple parmi tant d’autre…prenons un pays africain, ou du moyen orient, où un conflit interne suppose des morts, du sang, des cadavres en pleines rue, en centre ville, les médias vont lancer des reportages à gogo, normal c’est du sensationnel….mais à coté de cela; pas bien loin de ce centre ville, ou de cette rue, des habitants, des gens,, des populations vivent paisiblement, de leur travail, de leur terre, de leurs cultures, de leurs religions, de leurs animaux, sans conflits, en toute sérénité, et CA les médias (du moins les journaux télévisés)ne montrent jamais. Ne s’étonnons pas dès lors qu’une frange de notre population, qui, avec des ornières ancestrales, sans doute un peu raciste sans savoir que ce mot est une abjection en 2015, se veulent révoltés par des immigrants, qui ont tout perdu du a des guerres, qui n’ont pas demandés. respectons l’humain et l’humanité ne s’en ressentira bien mieux.

Laisser un commentaire